Cette analyse bibliométrique vise à dresser un état des connaissances scientifiques actuelles sur l’arganier. À partir de quatre mots-clés (arganeraie, arganier, Argania spinosa et huile), combinés à des opérateurs booléens (ET, OU, NON), les bases de données Web of Science et Scopus ont été explorées. La période étudiée a été restreinte à 1992-2024, les publications antérieures à 1992 étant trop peu nombreuses pour être significatives.
Plus précisément, l’analyse porte sur l’ensemble de la littérature scientifique relative à l’huile d’argan — qu’il s’agisse de ses usages nutritionnels, cosmétiques ou médicinaux — ainsi que sur la biologie, l’écologie et les enjeux de conservation de l’arganier. Elle concerne également les applications de la télédétection pour la cartographie et le suivi spatio-temporel de l’arganeraie. L’objectif final est de mettre en lumière les pratiques de gestion durable existantes et d’identifier les principaux défis à venir.
L’analyse quantitative de la production scientifique a été réalisée à l’aide du logiciel Bibliometrix et de son interface Biblioshiny, des outils performants basés sur le langage R permettant d’examiner la structure, l’évolution et les dynamiques d’un champ de recherche grâce à des méthodes avancées d’analyse et de visualisation de réseaux. La construction et la représentation des réseaux (co-occurrence de mots-clés, collaboration entre auteurs, co-citations, citations) ont été effectuées avec le logiciel VOSviewer.
La première étape de l’analyse a porté sur la littérature scientifique consacrée à l’huile d’argan. Entre 1992 et mai 2024, six cents contributions ont été recensées. L’examen de la co-occurrence des 2 678 mots-clés issus de ce corpus fait apparaître trois ensembles thématiques fortement liés entre eux. Le premier groupe (16 éléments) porte sur les effets de l’huile d’argan sur la santé et regroupe des notions telles que « composés phénoliques » ou « stress oxydatif ».Le deuxième (également 16 éléments) concerne l’évaluation de la qualité de l’huile et ses implications sanitaires, avec des mots-clés comme « adultération » ou « tocophérol ». Le troisième (11 éléments) renvoie aux caractéristiques botaniques de l’arganier et à son rôle écologique au Maroc.
L’analyse des six cents publications met en évidence une croissance marquée de la production scientifique à partir de 2009, ainsi que la diversité des contributeurs, des pôles de recherche et des réseaux de collaboration. Sans surprise, le Maroc – où l’arganier est une espèce endémique – occupe la position de leader dans ce domaine. Les institutions marocaines entretiennent par ailleurs de nombreux partenariats avec des établissements français et allemands.
La deuxième phase de l’analyse porte sur les travaux dédiés à l’écologie et à la physiologie de l’arganier. Entre 1992 et 2024, trois cent quatre-vingt-dix contributions ont été recensées. L’examen du réseau de co-occurrence des 134 mots-clés les plus utilisés dans cette littérature fait ressortir sept grands axes de recherche : les propriétés biochimiques, moléculaires et biologiques des composés de l’arganier ; les dimensions écologiques, physiologiques et de conservation ; l’écologie, la gestion et les usages ; les réponses physiologiques au stress abiotique ; la croissance et le développement ; la génétique, l’écologie et la biologie évolutive ; ainsi que les processus environnementaux et les stratégies de gestion.
Ces dernières années, l’intégration de techniques avancées de télédétection et d’apprentissage automatique, s’appuyant sur l’imagerie satellitaire multi-sources, a nettement amélioré la cartographie et le suivi des arganeraies, contribuant ainsi à la conservation et à la gestion durable de cet écosystème forestier.
Réf. El Moussaoui EH., Moumni A., Khabba S. et al., 2025 Bibliometric and review analysis of argan trees studies: global research trends and challenges. Agroforest Syst, 99:132 https://doi.org/10.1007/s10457-025-01228-2
Posté par Jean-Paul Peltier.
L’étude présente de nouvelles données sur les occurrences d'espèces du genre Oenothera au Maroc, en mettant en lumière les difficultés d’identification liées à la forte ressemblance morphologique entre les taxons. Pour la première fois Oenothera laciniata est signalé dans le pays, tandis que la présence de Oenothera indecora et de Oenothera drummondii est confirmée dans les provinces de Kénitra et de Tétouan, respectivement. A noter, que cette dernière espèce avait été précédemment confondue avec Oenothera biennis. Ces trois taxons d’origine américaine, rares au Maroc, ont été observés dans des milieux sableux littoraux. Par ailleurs, il est montré que Oenothera lindheimeri, une espèce cultivée à des fins ornementales, s'échappe sporadiquement des zones de culture. Pour faciliter une identification précise, cet article propose des descriptions morphologiques détaillées, accompagnées d’illustrations, d’une comparaison avec les espèces apparentées et une clé dichotomique actualisée du genre Oenothera au Maroc.
Réf. Homrani Bakali A. & Khamar H., 2025 New records and floristic notes on the genus Oenothera (Onagraceae) in Morocco. – Botanica, 31(4): 142–154. https://doi.org/10.35513/Botlit.2025.4.1
Posté par Jean-Paul Peltier.
La publication étudie la position de Nepeta nepetoides au sein de la famille des Lamiaceae. A cette fin, des analyses phylogénétiques moléculaires ont été conduites à partir de plusieurs marqueurs représentatifs de différents compartiments génomiques : quatre marqueurs de l’ADN chloroplastique (ycf1, les espaceurs ycf1–rps15, trnL–trnF et rpl32–trnL), deux marqueurs de l’ADN ribosomique nucléaire (ITS et ETS), ainsi qu’un gène nucléaire à faible nombre de copies (PPR-AT3G09060). Ces marqueurs, couramment employés dans les études phylogénétiques des plantes vasculaires, se sont révélés particulièrement pertinents pour analyser les relations entre espèces ou genres étroitement apparentés.
Les résultats obtenus à partir des trois ensembles de données sont concordants : les quatre populations de Nepeta nepetoides analysées forment un clade bien distinct, frère des autres représentants de la sous-tribu des Menthinae, et non de celle des Nepetinae. Par conséquent, cette espèce ne doit plus être classée dans le genre , mais dans le genre Pitardia.
Morphologiquement, le genre Pitardia se distingue du genre Nepeta par plusieurs caractères : deux étamines et pas de staminodes (quatre étamines chez Nepeta), tube du calice à 10 nervures (généralement 15 (13–17) chez Nepeta) et lobe médian de la lèvre inférieure de la corolle convexe et entier (généralement crénelé chez Nepeta).
Pitardia nepetoides Batt. ex Pit. est rétabli, son lectotype désigné, Pitardia caerulescens Maire et Pitardia gracilis Andr. mis en synonymie.
Ref. Homrani Bakali A., Dirmenci T., Celep F. & Drew B.T., 2025 - Pitardia resurrected: A new member of subtribe Menthinae (Lamiaceae). Taxon, https://doi.org/10.1002/tax.70053
Posté par Jean-Paul Peltier.
Sur le plan phylogénétique, Euphorbia balsamifera, présente dans les régions arides du nord-ouest de l’Afrique et sur les îles Canaries, est étroitement apparentée à Euphorbia adenensis, originaire de la région Érythrée-Arabie. Ces deux espèces partagent un ancêtre commun, vraisemblablement apparu il y a plusieurs millions d’années.
Les données moléculaires suggèrent que la divergence entre E. balsamifera et E. adenensis a eu lieu au cours du Pliocène, période comprise entre environ 5,3 et 2,6 millions d’années avant notre ère. Cette époque correspond à un épisode majeur d’aridification du climat dans les régions subtropicales de l’Ancien Monde, ce qui a entraîné une fragmentation des habitats forestiers au profit de paysages plus ouverts et plus secs. Ces nouvelles conditions environnementales ont probablement favorisé une radiation adaptative rapide du groupe ancestral, c’est-à-dire l’émergence de plusieurs lignées spécialisées dans des habitats arides.
Dans ce contexte, E. balsamifera aurait colonisé les îles Canaries à partir du nord-ouest de l’Afrique. Cette colonisation pourrait s’expliquer par le mécanisme du « surfing syngameon », une hypothèse évolutive selon laquelle un pool génétique flexible (ou syngameon) peut "surfer" sur des vagues de dispersion vers de nouveaux territoires, tout en conservant une diversité génétique suffisante pour permettre l’adaptation rapide à de nouveaux environnements.
Des modèles informatiques utilisant des réseaux de neurones convolutifs (une technique d’intelligence artificielle) suggèrent que E. balsamifera s’est d’abord installée sur les îles de l’est (Lanzarote, Fuerteventura), puis a migré vers l’ouest (Tenerife, Gran Canaria).
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les populations d’Afrique du Nord ne sont pas les vestiges d’une population continentale ancestrale. Elles sont issues d’événements migratoires en provenance des îles de Lanzarote et Fuerteventura. Ces événements de rétro colonisation dateraient du Pléistocène moyen, mais cela demande encore à être confirmé.
Ce résultat va à l’encontre de l’idée que les îles ne font que “recevoir” la diversité du continent. Ici, les Canaries ont en réalité généré une nouvelle diversité génétique qui s’est ensuite propagée vers le continent africain.
Ref. : Rincón-Barrado M., Villaverde T., Perez M.F., Sanmartín I. & Riina R., 2024 - The sweet tabaiba or there and back again: phylogeographical history of the Macaronesian Euphorbia balsamifera. Annals of Botany 133 : 883–903. https://doi.org/10.1093/aob/mcae001, available online at www.academic.oup.com/aob
Posté par Jean-Paul Peltier.
Cette publication présente une synthèse des travaux de recherche portant sur les différentes méthodes de multiplication de l’arganier (Sideroxylon spinosum L.). Elle s’appuie sur la méthode PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses), reconnue pour structurer et rendre transparente la conduite des revues systématiques et des méta-analyses.
La recherche documentaire a été effectuée à partir des mêmes mots-clés dans les bases de données Scopus et Web of Science, en sélectionnant les publications en anglais et en français parues entre 2000 et 2024. Grâce à la méthode PRISMA, 55 articles ont été retenus, dont la majorité (36) provient du Maroc, pays d’origine de l’arganier.
L’analyse bibliométrique, réalisée avec le logiciel VOSviewer, a permis de visualiser les liens entre les principaux mots-clés liés à la recherche sur l’arganier. Cette carte met en évidence la position centrale de la germination, autour de laquelle s’articulent la micro propagation, le semis, la culture in vitro et la multiplication végétative.
La discussion compare les différentes techniques : la germination des graines, dont le taux de réussite est faible, est confrontée aux avantages du bouturage et du greffage, qui permettent un enracinement rapide et une meilleure stabilité génétique. La micro propagation in vitro apparaît également comme une méthode prometteuse, bien qu’elle nécessite des conditions d’acclimatation rigoureuses.
En conclusion, l’étude souligne l’importance de combiner méthodes traditionnelles et approches biotechnologiques modernes pour assurer la reproduction et la conservation durable de cette espèce emblématique.
Ref. : Tesse R., Boutaleb F., Bahlaouan B., Brett-Crowther M., El Antri S., & Boutaleb N., 2025 - Micrografting and Other Regeneration Techniques for the Argan Tree (Argania spinosa): A PRISMA-Based Systematic Review and Meta-Analysis. Natural Built Social Environment Health 1(3). DOI :10.63095/NBSEH.25.180342
Posté par Jean-Paul Peltier.
Dernière modification le dimanche 30 novembre 2025 à 15h37.