À l’aide d’une approche métabolomique, cette étude vise à identifier les métabolites présents chez l’arganier et à détecter des biomarqueurs associés au stress hydrique chez deux écotypes adaptés à des conditions environnementales contrastées. Comprendre quels métabolites et quelles voies métaboliques sont mobilisés face à la sécheresse constitue une base scientifique essentielle pour cibler les mécanismes réellement efficaces d’adaptation.
Les graines utilisées proviennent de deux stations distinctes : Aoulouz, située à l’ouest au fond de la plaine du Souss, au pied du Haut Atlas (altitude : 700–850 m ; pluviométrie annuelle moyenne d’environ 232 mm ; températures minimales et maximales moyennes de 5,6 °C et 35,7 °C, respectivement), et Lakhssas, localisée au sud dans la région de Guelmim (altitude : 916–988 m ; pluviométrie annuelle d’environ 189 mm ; températures minimales et maximales moyennes de 7,3 °C et 31,2 °C, respectivement).
L’expérimentation a porté sur douze plants âgés d’un an, cultivés en pots de 15 × 15 cm contenant un subs142trat constitué d’un mélange 4:1 de terre forestière et de tourbe et répartis équitablement entre les deux écotypes et les deux conditions expérimentales (stress hydrique et témoin). L’identification des métabolites a été réalisée à l’aide d’une technique analytique combinant la chromatographie en phase gazeuse à la spectrométrie de masse (GC-MS).
En conditions de stress hydrique, l’analyse statistique (test t, p < 0,05) a permis d’identifier 44 métabolites significativement affectés chez l’écotype Lakhssas et 56 chez l’écotype Aoulouz.
Un diagramme de type volcano plot a ensuite été utilisé afin de distinguer les métabolites surexprimés et sous-exprimés sous stress hydrique. Dans ce graphique, le log₂ du fold change (log₂FC), représentant la variation relative de l’abondance des métabolites entre les conditions stress hydrique et témoin, est porté en abscisse, tandis que l’axe des ordonnées (−log₁₀(p)) indique la significativité statistique. Les métabolites situés à droite du graphique (log₂FC positif) correspondent aux métabolites surexprimés (concentration significativement plus élevée sous stress hydrique par rapport au témoin), tandis que ceux situés à gauche (log₂FC négatif) sont sous-exprimés (concentration diminuée significativement sous stress hydrique par rapport au témoin). Ainsi, 34 métabolites étaient surexprimés et 10 sous-exprimés chez Lakhssas, tandis que chez Aoulouz, 25 métabolites étaient surexprimés et 31 sous-exprimés.
L’importance relative de chaque métabolite a été évaluée à l’aide de l’analyse VIP (Variable Importance in Projection), qui permet, dans un modèle multivarié, d’identifier les composés contribuant le plus à la discrimination entre les deux écotypes. Sur cette base, vingt métabolites présentant un score VIP ≥ 1, indicatif d’une contribution significative, ont été sélectionnés.
Les analyses en composantes principales (PCA) et les analyses discriminantes par moindres carrés partiels orthogonaux (OPLS-DA) ont révélé une séparation nette entre les échantillons témoins et ceux soumis au stress hydrique. En s’appuyant sur l’importance des variables dans les scores de projection ainsi que sur les analyses des courbes ROC (Receiver Operating Characteristic), dix biomarqueurs potentiels de tolérance à la sécheresse ont été identifiés.
Chez l’écotype Aoulouz, deux métabolites surexprimés, M65 (lupéol) et M102 (octadécane), ainsi que trois métabolites sous-exprimés, M108 (octacosane), M123 (5-octadécène, E) et M200 (ester diéthylique de l’acide 4-nitrobenzylidènemalonique), se sont révélés déterminants. En revanche, l’écotype Lakhssas présentait cinq biomarqueurs surexprimés : M6 (ester méthylique de l’acide hexadécanoïque), M54 (1,3,6,10-cyclotétradécatétraène, 3,7,11-triméthyl-14-(1-méthyléthyl)), M88, M91 et M142.
Les métabolites M65 et M102 chez Aoulouz contribueraient probablement au renforcement de l’intégrité cuticulaire et à l’atténuation des réponses au stress oxydatif. À l’inverse, la surexpression de M6 et M54 chez Lakhssas suggère une adaptation reposant davantage sur la signalisation lipidique et le métabolisme énergétique. Toutefois, cet écotype pourrait se révéler moins résilient face à une sécheresse prolongée, en raison d’une plus forte capacité de réallocation métabolique.
En conclusion, l’étude montre que les deux écotypes adoptent des stratégies distinctes : l’écotype Aoulouz développe une tolérance durable via le renforcement de la cuticule et une meilleure gestion du stress oxydatif et l’écotype Lakhssas mise sur des ajustements métaboliques transitoires. Ces résultats sont précieux car ils relient des signatures métaboliques mesurables à des stratégies physiologiques efficaces, ouvrant ainsi la voie à des applications concrètes en amélioration des plantes et en agriculture durable face au stress hydrique.
Réf. Rabeh K., Farid Rachidi F., Sbabou L. et al.,2025 - Potential metabolite biomarkers of drought tolerance in contrasting Sideroxylon spinosum L. ecotypes using a metabolomic approach. J. Sci. Food Agric. (wileyonlinelibrary.com) DOI 10.1002/jsfa.70365
Posté par Jean-Paul Peltier.