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[08/07/2025] Histoire évolutive d’Euphorbia. balsamifera

Sur le plan phylogénétique, Euphorbia balsamifera, présente dans les régions arides du nord-ouest de l’Afrique et sur les îles Canaries, est étroitement apparentée à Euphorbia adenensis, originaire de la région Érythrée-Arabie. Ces deux espèces partagent un ancêtre commun, vraisemblablement apparu il y a plusieurs millions d’années.

Les données moléculaires suggèrent que la divergence entre E. balsamifera et E. adenensis a eu lieu au cours du Pliocène, période comprise entre environ 5,3 et 2,6 millions d’années avant notre ère. Cette époque correspond à un épisode majeur d’aridification du climat dans les régions subtropicales de l’Ancien Monde, ce qui a entraîné une fragmentation des habitats forestiers au profit de paysages plus ouverts et plus secs. Ces nouvelles conditions environnementales ont probablement favorisé une radiation adaptative rapide du groupe ancestral, c’est-à-dire l’émergence de plusieurs lignées spécialisées dans des habitats arides.

Dans ce contexte, E. balsamifera aurait colonisé les îles Canaries à partir du nord-ouest de l’Afrique. Cette colonisation pourrait s’expliquer par le mécanisme du « surfing syngameon », une hypothèse évolutive selon laquelle un pool génétique flexible (ou syngameon) peut "surfer" sur des vagues de dispersion vers de nouveaux territoires, tout en conservant une diversité génétique suffisante pour permettre l’adaptation rapide à de nouveaux environnements.

Des modèles informatiques utilisant des réseaux de neurones convolutifs (une technique d’intelligence artificielle) suggèrent que E. balsamifera s’est d’abord installée sur les îles de l’est (Lanzarote, Fuerteventura), puis a migré vers l’ouest (Tenerife, Gran Canaria).

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les populations d’Afrique du Nord ne sont pas les vestiges d’une population continentale ancestrale. Elles sont issues d’événements migratoires en provenance des îles de Lanzarote et Fuerteventura. Ces événements de rétro colonisation dateraient du Pléistocène moyen, mais cela demande encore à être confirmé.

Ce résultat va à l’encontre de l’idée que les îles ne font que “recevoir” la diversité du continent. Ici, les Canaries ont en réalité généré une nouvelle diversité génétique qui s’est ensuite propagée vers le continent africain.

Ref. : Rincón-Barrado M., Villaverde T., Perez M.F., Sanmartín I. & Riina R., 2024 - The sweet tabaiba or there and back again: phylogeographical history of the Macaronesian Euphorbia balsamifera. Annals of Botany 133 : 883–903. https://doi.org/10.1093/aob/mcae001, available online at www.academic.oup.com/aob

Posté par Jean-Paul Peltier.